Je méditais; soudain le jardin se révèle

Et frappe d'un seul jet mon ardente prunelle.

Je le regarde avec un plaisir éclaté;

Rire, fraîcheur, candeur, idylle de l'été!

Tout m'émeut, tout me plaît, une extase me noie,

J'avance et je m'arrête; il semble que la joie

Etait sur cet arbuste et saute dans mon coeur!

Je suis pleine d'élan, d'amour, de bonne odeur,

Et l'azur à mon corps mêle si bien sa trame

Qu'il semble brusquement, à mon regard surpris,

Que ce n'est pas ce pré, mais mon œil qui fleurit

Et que, si je voulais, sous ma paupière close

Je pourrais voir encore le soleil et la rose.

Les Eblouissements"Anna de Noailles

Mon jardin si petit, si riant, si coquet

Propose gentiment son calme et sa fraîcheur

Groupant toutes ses fleurs, il forme un grand bouquet

Le chèvrefeuille ocré diffuse sa senteur.

Le rosier vermillon croule sous le portail

Offrant au vent léger son parfum épicé

Et s'ouvre pleinement en un large éventail

Sur le support ancien de bois entrelacé.

Le lierre allègrement monte le long du mur

Dans ses feuilles parfois se faufile un oiseau

Ce minuscule Eden couronné par l'azur

S'arrête court devant les perles d'un rideau.

 Marie-Antoinette Cordina-Fontana.

_  Le temps qui passe.

Interrogations séculaires de l'humanité.

 Le temps qui passe est un mystère qui fascine les philosophes depuis des siècles.

Il semble parfois que le temps se consacre à l'oubli, effaçant progressivement nos souvenirs et nos expériences passées.
Cependant, peut-être que cette perception est trompeuse et que le temps ne fait pas réellement disparaître les choses, mais les transforme d'une manière plus subtile.

 L'oubli est souvent considéré comme une perte, une privation de notre histoire personnelle. Nous craignons de perdre nos souvenirs, nos identités et nos connexions avec le passé.

Mais peut-être que l'oubli n'est pas une simple absence, plutôt une transformation de la mémoire.
Les souvenirs peuvent se dissoudre dans les profondeurs de notre esprit, mais ils laissent des traces subtiles qui influencent notre être et notre perception du monde.

 Le temps qui passe peut être vu comme un processus de filtration, où seuls les souvenirs les plus significatifs et les plus profonds survivent.

Les moments fugaces et insignifiants s'estompent, tandis que les expériences marquantes et les émotions intenses restent gravées en nous.

Ainsi, l'oubli peut être considéré comme une sorte de tri sélectif, permettant à notre esprit de se concentrer sur ce qui est vraiment important.

 De plus, le temps qui passe nous offre la possibilité de nous réinventer.

À mesure que nous évoluons, nos priorités, nos valeurs et nos intérêts changent. Ce processus de transformation personnelle peut entraîner une réévaluation de nos souvenirs et une redéfinition de leur signification. Ce que nous considérions autrefois comme important peut perdre de son importance, tandis que de nouveaux souvenirs et expériences prennent le relais.

 Il est également intéressant de noter que le temps qui passe peut être influencé par notre perception subjective.

Les moments de bonheur intense semblent passer rapidement, tandis que les périodes de souffrance semblent s'étirer indéfiniment.
Notre expérience du temps est étroitement liée à nos émotions et à notre état d'esprit. Peut-être que l'oubli apparent est simplement le résultat de notre focalisation sur le présent et notre capacité à laisser aller le passé.

 En fin de compte, le temps qui passe et l'oubli sont des concepts complexes et interconnectés. Peut-être que l'oubli n'est pas une perte totale, mais plutôt une transformation et une réorganisation de nos souvenirs.

Peut-être que le temps qui passe nous offre la possibilité de nous réinventer et de nous concentrer sur ce qui est vraiment important.
Alors, plutôt que de craindre l'oubli, embrassons-le comme un moyen de nous libérer du poids du passé et de nous ouvrir à de nouvelles possibilités.

Le temps, cette énigme qui tisse la trame de nos vies, oscille entre mesure objective et expérience subjective.

Saint Augustin, philosophe et théologien, se questionnait déjà :

« Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me demande ce qu’est le temps, je sais ce qu’il est ; et si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus ».

Les deux facettes du temps :

1. **Le temps objectif** : Il s'écoule uniformément, rythmé par les aiguilles de nos montres. Chaque seconde, chaque minute, il avance inexorablement, indifférent à nos émotions et à nos vies singulières. C'est le temps des horloges, des calendriers, des rendez-vous. Il mesure le changement, mais il ne le ressent pas. Pourtant, il est essentiel à notre existence, car sans lui, tout serait figé, immobile.

2. **Le temps subjectif** : Voici le temps que nous vivons, celui qui se glisse entre nos doigts comme un sable mouvant. Il est hétérogène, changeant, vibrant au rythme de nos émotions, de nos souvenirs, de nos espoirs. Une heure peut s'étirer en une éternité lorsqu'on s'ennuie, ou filer comme un éclair lorsque le plaisir nous emporte. C'est le temps des rires, des larmes, des rencontres, des regrets. Il n'est pas mesurable, mais il est inoubliable.

Penchons-nous sur l'idée que le temps se consacre à l'oubli.

Certes, il efface des pans entiers de notre mémoire : les visages, les lieux, les mots. Mais peut-être n'est-ce pas sa seule mission. Peut-être, dans ses replis secrets, le temps cache-t-il des trésors insoupçonnés.

**L'oubli** : ce mot résonne comme une perte, une lacune. Pourtant, il est aussi un acte de libération. Il nous débarrasse du superflu, des fardeaux, des blessures. Il nous permet de tourner la page, de recommencer, de nous réinventer. L'oubli est le jardinier du temps, taillant les branches mortes pour laisser éclore de nouvelles fleurs.

Mais voilà, parfois, une mélodie ancienne nous parvient, un parfum lointain nous enveloppe, et soudain, le passé ressurgit. Le temps, ce gardien des souvenirs, nous offre des instants de grâce. Il nous rappelle qui nous sommes, d'où nous venons. Et dans ces moments-là, il n'est plus seulement l'artisan de l'oubli, mais aussi le complice de la mémoire.

Alors, peut-être que le temps ne se consacre pas uniquement à l'oubli. Peut-être qu'il tisse, avec patience, les fils de notre histoire, mêlant oubli et souvenir, pour que nous puissions avancer, grandir, devenir. Car dans chaque seconde qui s'égrène, il y a une part d'éternité, une empreinte indélébile.

Et si, finalement, le temps était un poète, écrivant nos vies dans la poussière des étoiles ?

Textes philosophiques.